Quinze kilomètres trois de Martine Laval
Editions Liana Levi Piccolo - 56 pages
Littérature française
Quinze kilomètres trois. La distance qui les sépare du Cap Blanz-Nez. Cette échappée, c'est leur secret, aux petites. Ce matin, elles fuient l'ennui des jours, un avenir sans promesse. Elles s'en vont légères. Dans le paysage à la fois brutal et magnifique de la Côte d'Opâle, Martine Laval suit les deux adolescentes, espionne leur désœuvrement et fait entendre d'autres voix - une prof, un cousin, une voisine. Tous cherchent à comprendre le pacte qui les emmène à la falaise.
Quatrième de couverture.
MON AVIS :
Dramatique et intense, le court récit de Martine Laval, nous emporte sous des vents vifs et clairs, à la rencontre de deux jeunes filles ayant commis l'irréparable. A la lueur des regards qui les ont connus, leurs silhouettes se dessinent, se dérobent, se prolongent et nous emportent... vers le large, l'infini, l'aveu. Un aveu d'impuissance face à la destinée de deux fillettes, trop jeunes pour mourir, au coeur trop lourd pour vivre. Un récit poignant, toujours nuancé, porté par une écriture tendre et claire, douce et poétique. Un vrai coup de coeur !
Je les vois.
Deux gamines. Elles n'ont pas de visage, pas de nom. Juste un bout de vie posé sur des guiboles de quatorze ans et quelques, quinze au printemps. C'est loin, le printemps.
Elles ont dit : Mardi. Mardi, on le fait. Un signe de tête. Puis, plus rien. Elles s'en vont. (...)
Mardi, elles se font la belle. Elles s'offrent deux jours pour savourer leur trouvaille, leur secret. Le tenir au chaud, rien qu'à elles.
Elles se moquent de savoir si c'est un mensonge. Elles rêvent. Une escapade, leur premier pas vers l'aventure, la liberté ?
Elles n'ont pas de noms, mes petites. Peut-être devrais-je leur inventer un prénom. C'est plus pratique pour la narration, non ? Pour leur donner une existence, raconter ce bout de chemin avec elles. La presse n'a pas révélé leur identité. Je les laisse, moi aussi, sans nom, sans visage. Je les garde dans le flou. Elles demeurent mes inconnues, mes petites, celles qui m'accompagnent, de loin.
Elles lâchent l'éphémère, se fondent dans le temps. Elles se sont trouvées, ont mêlé leur jeunesse. A deux, on ne craint rien. On se croit éternel, non pas au-delà du monde - c'est quoi le monde ? - mais au-delà des autres, ceux qu'elles fuient. Deux filles qui se font confiance, ont les mêmes confidences, les mêmes fous rires. Deux gamines. L'une est rêveuse. Les profs disent : Lente. L'autre est effrontée. Les profs disent : Garçon manqué.