L'adversaire d'Emmanuel Carrère
Editions P.O.L. - 222 pages
Littérature française
Le 9 janvier 1993, Jean-Claure Romand a tué sa femme, ses enfants, ses parents, puis tenté, mais en vain, de se tuer lui-même. L'enquête a révélé qu'il n'était pas médecin comme il le prétendait et, chose plus difficile encore à croire, qu'il n'était rien d'autre. Il mentait depuis dix-huit ans, et ce mensonge ne recouvrait rien. Près d'être découvert, il a préféré supprimer ceux dont il ne pouvait supporter le regard. Il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
Résumé éditeur.
MON AVIS :
En prenant la décision de raconter cette vie de solitude et d'imposture, Emmanuel Carrère savait qu'il pouvait ne pas être compris de ses lecteurs. C'est pourtant ce qu'il a tenté de faire, à travers une écriture souvent simple mais d'une puissance évocatrice rare : appréhender une vie de mensonges, l'enfermement et le geste irréparable. Sans empathie mais avec le désir de comprendre, il a contacté Jean-Claure Romand, a correspondu avec lui et a tenté de trouver sa place d'écrivain confronté à l'acte de tuer, à la justice et à l'incarcération.
Si la démarche de l'auteur peut surprendre, elle s'entend grâce à une écriture sincère et franche. Le malaise suscité par cet homme, la fascination qu'il a pu exercer sont autant d'arguments qui, au-delà de l'acte répréhensible, évoquent l'expérience humaine, celle qui touche l'être humain dans ses croyances, sa moralité et ses peurs les plus profondes.
Une lecture souvent éprouvante, toujours effrayante, mais qui parvient par une démarche documentée et honnête à susciter l'interrogation. Le point de vue de l'écrivain restant finalement objectif et ses sources multiples.
Une oeuvre difficile à lire par son contenu, mais fascinante par la démarche de l'écrivain parvenu à en faire une oeuvre terriblement humaine aux multiples points de vue.
Assassinés. Les Romand avaient été assassinés. Le mot éveillait dans la tête de Luc un écho sidéré. "Il y a eu vol ?" a-t-il demandé, comme si ce mot pouvait réduire l'horreur de l'autre à quelque chose de rationnel. Les gendarmes ne savaient pas encore, mais ces deux crimes frappant à 80 m de distance les membres d'une même famille faisait plutôt penser à une vengeance ou un règlement de comptes. Ils en revenaient à la question des ennemis et Luc, désemparé, secouait la tête : des ennemis, les Romand ? Tout le monde les aimait. S'ils avaient été tués c'était forcément par des gens qui ne les connaissaient pas.