Dune de David Lynch
Film américain - 1984 - 2 h 20
Avec Kyle MacLachlan, Francesca Annis et Jürgen Prochnow
Dune, également nommée Arrakis, est une planète désertique enjeu de pouvoir pour l’univers habité. On trouve en effet sur son sol une épice très prisée qui permet de développer ses capacités psychiques...
Mais cette recherche n’est pas sans danger puisqu’outre d’incroyables créatures - les vers des sables - Dune est habitée par un peuple fier et rebel, les Fremen.
Ceux-ci attendent depuis longtemps la venue d’un Messie rétablissant leurs droits et leur vraie foi sur leur sol...
MON AVIS :
Tiré du roman éponyme de l’auteur américain, Frank Herbert, Dune est un nouveau défi pour le jeune réalisateur... Difficile d’adapter sans lasser ni décevoir un roman au succès mondial, objet de nombreuses suites...
C’est donc par l’intermédiaire de simplifications inévitables, propres au cinéma, que David Lynch projette la réalisation du long-métrage Dune.
Véritable film-symbole, première réalisation de science-fiction, Dune a d’inévitables qualités qui ne sauraient pourtant altérer ses défauts.
L’utilisation de mots-symboles dont le sens n’est pas immédiatement perceptible au spectateur, comme il n’est pas perceptible de suite au personnage principal - Paul, font de ce film un objet mystère dont le spectateur peut s’emparer pour laisser voguer son imaginaire comme autant de lectures lointaines et imagées issues du livre...
Ici, comme souvent chez Lynch, le film se détache du réel pour devenir une sorte de rêve éveillé dans lequel évolue - au-delà même de sa conscience- son personnage principal. Mais le rêve ici semble figé par des sons et des voix souvent extérieures à l’action qui nous emprisonne dans un degré de conscience, nous livrant une information claire dont il devient dès lors difficile d’échapper... Le spectateur, pour la première fois, n’est pas libre de son interprétation un peu comme si Lynch lui-même n’avait pas été libre de son adaptation...
Le film fait une place toute relative à la femme, ce qui peut surprendre dans la riche filmographie de Lynch, faisant de la mère et de la femme de Paul - futur Messie des Fremen - des êtres doux ferventes “supportrices” de l’action de l’homme.
Bien qu’une telle analyse soit nuancée par la cérémonie que fait subir la Révérente Mère à Paul... cette scène apparaît vite oubliée au regard de celles qui suivent et font de Paul l’attendu de tous...
Les effets spéciaux, point crucial d’un tel film, ne sont guère plus convaincants... Les incrustations des personnages dans les décors de science-fiction, dans les actions et les mouvements, sont limités et les découpes visuelles créent une apparence plastique des plus ternes...
Aucun renouvellement visuel en la matière n’apportera de véritable force esthétique au film, qui, par l’effet du temps, n’aura fait que vieillir de la plus cruelle façon...
La couleur et les filtres utilisés n’arrangent rien à l’image du film qui apparaît souvent fade et sans relief, à rebours de ce qu’aurait souhaité Lynch, une effusion de couleurs chaudes - or et cuivres...
L’environnement musical laisse lui aussi un goût d’inachevé... Aucun thème fort, aucune trouvaille auditive ne prend corps dans le paysage désolé de Dune...
Les personnages, à la tête duquel figure Kyle MacLachlan, futur agent très spécial Dale Cooper dans la série Twin Peaks, peuvent de prime abord sembler surprenant.
Beaucoup imaginaient Paul comme un jeune punk ou un hippie rebel. C’est au contraire sur un jeune homme au visage angélique que s’est porté le choix final de Lynch.
Kyle MacLachlan est alors très jeune quand il endosse le costume de ce jeune Messie.
Si le comédien se défend dans un rôle qui lui demande une grande force, son visage lisse et son corps svelte en font un personnage sans grand relief et sans véritable carrure... (Cela n’est pourtant pas faute de beaucoup aimer ce comédien...)
Les autres personnages, très nombreux, apparaissent rapidement noyés dans une masse de chair et leur jeu, pourtant intéressant, assez peu mis en valeur...
Outre ses défauts esthétiques, le film aborde cependant des thèmes chers à David Lynch.
L’écologie tout d’abord (que l’on retrouve dans Twin Peaks), à l’aune de cette terre désertique, l’épuisement des ressources matérialisée par la recherche d’une épice magique ensuite (Eraserhead et l’utilisation des machines comme facteur d’avilissement, Twin Peaks et la scierie qui brise la nature) - image masquée du pétrole, des ressources minières ou de l’or - et l’oppression d’un peuple tenu de se rebeller contre l’ordre établi grâce à l’intervention d’un tiers (comme Dale Cooper venu prêter main forte à l’ordre des choses instauré par les meurtres à Twin Peaks... )
Si le film est sur ce point intéressant, il n’en garde pas moins une image fanée et un montage vieillissant... Un expérience de science-fiction peu concluante pour le maître des rêves et du subconscient... Une liberté narrative et esthétique qui lui auront peut-être manqué pour faire de ce film, une expérience sensorielle inédite.
A sa sortie, le film est un échec commercial cuisant. Si Lynch aime à faire de ses oeuvres des incarnations qui échappent à son créateur, celle-ci lui en laisse un amer regret...